jeudi 30 août 2012

Il n'y a rien de plus vivant que d'arracher les tapisseries d'un très vieil appartement


Il n'y a rien de plus vivant que de détruire cent ans de vie en l'espace de quelques heures...  je crois.

Démembrer les meubles, avec la seule force humaine, ces vieux meubles fait par nos arrière arrière arrière grand-parents, du sur-mesure, bricolés avec des planches de bois miteuses et bouffés de clous rouillés; meubles qui régurgitent les odeurs de chaque ex-locataires venu s’installer un moment, odeurs de malbouffe, clope et transpiration, recouvert à chaque changement par une couche de poussière noire et graisseuse.
Arracher les tapisseries, méticuleusement empilées depuis des dizaines années, et les déchirer, couche après couche, avec cette sensation de libérer des bouts d'âmes égarés compressés entre les méandres de la colle mal appliquée, et qui viennent nous raconter, pour chaque couche, les histoires des gens qui ont vécu ici.
Puis sous la peinture, que l'on émiette comme on peut - qui parfois reste incrustée dans le mur et parfois c'est tout le morceau de mur qui vient s'éclater à nos pieds- on découvre ces vieux murs gris clair, entaillés, avachis, fatigués qui rappellent les photos des camps de concentration que l'on a tant vu dans nos livres d'Histoire étant petit. 

C'est comme détruire l'Histoire de cette pièce, effacer le vécu de cet appartement, le remettre à zéro, alors qu'il a vu tant de choses qu'il est le seul à avoir vu. Tout est résumé à ces morceaux jetés à terre en un tas informe, et qui bientôt ne seront plus. Déranger, déplacer et détruire ces âmes inoffensives qui ne nous appartiennent pas... c'est une sensation assez indescriptible, entre le narquoisement et la nostalgie dans un but d'appropriation totale et interdite de la pièce.

Mais j'aime bien !

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